Des trucs écrits

C'est très choquant, ce meurtre d'un cycliste par un conducteur de SUV.

Très, vraiment.

Un choc qui aliment un peu plus le sentiment d'injustice, d'impuissance, d'abandon, de société qui se dégrade encore et encore. La bagnole est devenu un objet de domination, de contrôle de l'autre et de l'importance qu'on lui accorde, le vecteur d'un imaginaire qui n'existe évidemment pas.

Coïncidence, ce fait divers (quelle affreuse expression) intervient juste après que RAPasso ait publié son rapport sur la publicité automobile

Les 2 événements n'ont pas de relation, hormis le fait que cet univers fantasmé véhiculé par la publicité est devenu une des composantes de notre société et n'est pas sans conséquence sur le comportement des motorisés. Voir en permanence, dans ces publicités, des voitures parcourir des villes et des campagnes vidées de leurs occupants n'est sans doute pas neutre sur l'incapacité de certains motorisés à imaginer que dans la vraie vie, loin de cette image aseptisée, la ville ne leur appartient pas, que le partage est la règle, que cette ville ou cette campagne sont des communs et qu'ils doivent composer avec l'autre, en étant conscient de leur propre responsabilité sur la sécurité de cet autre.

Et pendant ce temps, nos gouvernants vont se montrer au salon de l'auto. Combien d'entre eux vont en profiter pour dire aux constructeurs “Plus jamais ça, ok ? Prenez vos responsabilités.”. Aucun.

Il n'y aura pas non plus de mea culpa, de personne. C'est la faute à pas de chance, ou c'est celle du cycliste, ou de tous les cyclistes, ou du conducteur qui n'a pas su garder son sang froid. À la manière des écologistes qui sont responsables de tous les maux de nos sociétés et qui deviennent des pisse-froid à force de répéter ad nauseam ce qui est en train de se produire quand personne ne veut le voir, le cycliste devient celui qu'il faut abattre, parce qu'il empêche l'autre de se déplacer comme il en a envie, ou plutôt comme on lui montre qu'il devrait pouvoir le faire, sans entrave, sans règle de vie commune, sans sanction, sans personne d'autre autour de lui, en toute impunité.

Ce cycliste qui a le culot d'exiger qu'on lui fasse de la place pour lui aussi se déplacer quotidiennement en toute sécurité. Cette place qu'il faut prendre à un objet qui a progressivement colonisé l'espace commun et les esprits étroits, au point de ne plus pouvoir autrement qu'au travers du prisme de l'envie et de l'avidité.

C'est choquant, très. Ce meurtre l'est, comme la trop grande place que notre société accorde à la bagnole .

Une fois que la décision a été prise, me lancer dans cette aventure a été finalement assez simple. C'est même sans doute la partie la plus simple, parce qu'elle ne consiste qu'à organiser des éléments matériels : quel vélo, quel équipement, quel trajet, combien de temps je vais mettre et comment je réorganise ma journée pour qu'elle s'adapte à ce nouveau contexte, quelles conséquences en arrivant au boulot ou en rentrant à la maison... Évidemment, on ne se pose pas toutes ces questions en même temps, certaines viennent avec le temps.

La plus grosse des décisions a été le choix du vélo. Je faisais le choix de remplacer une voiture par un vélo. Mentalement, il m'a été facile de décider de consacrer un budget conséquent (trop) à son achat. J'ai opté pour un modèle neuf parce que je voulais quelque chose de robuste, bien construit, dans lequel je pouvais avoir confiance. J'ai aussi fait le choix d'un modèle assisté électriquement. Ce choix me permettait à cette époque (3 ans) d'accepter plus facilement la distance à parcourir quotidiennement (34 kilomètres). Avec le recul, ce choix rend aussi la décision quotidienne hors vélotaf beaucoup plus simple : n'importe quel trajet à faire devient un prétexte, il est facile de faire le choix de réaliser ce trajet en bicyclette.

Aujourd'hui, j'irais chercher du reconditionné ou de l'occasion. Le marché s'est nettement développé. Les offres sont beaucoup plus nombreuses soit via des places de marché, soit entre particuliers. Même pour un VAE pour lequel la durée de vie de la batterie peut être questionnée, on peut même aller chercher du reconditionnement. Autre avantage : la disponibilité. Il m'aura fallu attendre 10 semaines entre l'achat et la livraison. En reconditionné ou occasion, le vélo est disponible immédiatement. Je ne parle pas non plus de l'impact écologique : pas besoin de consommer des ressources supplémentaires lorsqu'on achète un équipement d'occasion.

Le reste n'a pas d'importance : on achète un équipement de pluie, on va chercher des ressources sur la protection contre le froid, on cherche le meilleur itinéraire en fonction de ses propres impératifs... Ça n'a aucun impact sur le démarrage. Tout ça sera évoqué dans un autre billet.

Pendant longtemps, nous (en tant que foyer avec enfants) avons possédé plusieurs véhicules motorisés à la maison. L'oppression climatique aidant, la suppression d'un de ces moyens est apparue comme une solution pour réduire notre empreinte sur l'environnement.

La prise de décision a été progressive. Était il possible de se passer d'un véhicule à la maison ? Comment pouvions nous compenser cette disparition ? Après tout, notre équipement de l'époque nous permettait d'assurer les activités du foyer, avec une relative liberté, celle que voulaient bien nous laisser ces engins. Mais le simple fait de penser ce véhicule en terme de liberté suffit, dans notre cas, à résoudre le problème : cette liberté (de mouvement) se heurtait à ses conséquences financières et environnementales. La nécessité de l'entretien (je déteste la mécanique), de l'alimentation (en carburant) ou de la préservation des intérêts d'autrui (l'assurance) induisait la nécessité du blocage d'une surface financière conséquente directement orientée vers cette liberté de mouvement.

Était il donc possible de consacrer cet argent à autre chose, sans perdre cette liberté chérie dans des proportions insupportables ? La réponse a été oui. J'imaginais notre vie, ce qu'elle supposait d'engagement auprès des autres membres du foyer, ou auprès de nos proches, amis ou parents, dans un contexte dans lequel une partie de mes déplacements seraient pratiqués autrement. Et mon imagination me menait vers un niveau de faisabilité excellent.

Le seul dernier élément de décision a été psychologique : pourrai je assurer mon déplacement vers mon lieu de travail ? Je travaille à 17km de mon domicile. Quand on n'a pas l'habitude de vélotaffer, ça parait loin. Ma décision a été prise sur une opportunité : j'allais gagner en autonomie. À cette époque, j'utilisais un mix de train et tramway pour réaliser ce trajet. Très confortable, très économique mais avec une forte dépendance : autant le tramway propose des trajets nombreux et réguliers, autant le train (un TER) est soumis à des horaires beaucoup moins flexibles, voire avait tendance à se dégrader. Il était donc fréquent que j'arrive le soir à la maison à 20h, malgré une journée de travail terminée à 18h.

C'est ce gain d'autonomie qui m'a fait prendre la décision de basculer vers la bicyclette. Pour une même fin de journée, j'arrivais à la maison une heure plus tôt qu'en transports en commun.

En me mettant à cette pratique, j'ai donc gagné sur tous les tableaux : financièrement, en temps (même si mon temps de trajet domicile/travail est identique), en empreinte carbone, en autonomie. J'ai même droit à un bonus physique. 34km de bicyclette par jour, même en VAE, c'est une activité physique.

Il m'en reste beaucoup à écrire sur cette aventure, comment je l'ai mise en action, les leçons qu'elle m'a apprises, le retour arrière (spoiler alert : jamais). J'écrirais ça un de ces jours.

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