L'insupportable vérité
Le Pen a été condamnée par un tribunal, et la société française n'en peut plus de vibrer au rythme des soubresauts de cette décision judiciaire. Et ce n'est pas tant le fait qu'elle soit condamnée qu'une partie de la peine, qui la rend inéligible.
Parmi les réactions, celles des autres politiques, quels qu'ils soient, est à la fois troublante et tellement prévisible. Ces gens se pensent différents. N'ont ils d'ailleurs pas décidé de mettre en place une justice d'exception, composées d'eux-mêmes, qui ne condamne personne, appelée la Cour de Justice de la République ?
Ces réactions, en particulier celles qui relèvent du complotisme (la soit-disant République des Juges), alimentent un autre torrent : celui de la défiance envers eux et de leur rejet. Entendons nous : aucun politicien n'a intérêt à voir les électeurs revenir dans les parloirs. Parce que plus d'électeurs signifie plus de gens à convaincre. Si je devais grossir le trait, devoir éclairer les visages de cent personnes à coup de promesses, c'est nettement plus simple que de devoir le faire pour un million de personnes.
Ainsi, s'il y a moins d'électeurs, en tant que politicien, il y a moins de travail à faire. Mais il n'y pas plus de légitimité à obtenir. Une fois l'élection acquise, on peut se proclamer... élu, ce qui semble emporter la légitimité, puisqu'aucune discussion supplémentaire n'aura lieu, aucune remise en question. A-t-on vu des manifestations pour contester un élu de pacotille ? Aucune. “J'ai été élu par les citoyens.” is the new “L'État c'est moi”.
Mais revenons à Le Pen. Elle est condamnée, elle ne peut pas se présenter à une élection pour l'instant. Une part de ses congénères s'interroge ou s'insurge : “Est ce normal ?”, “C'est troublant”, “C'est un complot”. Elle est même invitée au 20h après sa condamnation, parce que c'est un coup télévisuel. Je n'ai pas souvenir qu'aucun autre condamné ait été invité de la sorte : rappelons qu'elle est aussi condamnée à de la prison et pas uniquement avec sursis. Il aurait pu y avoir un mandat de dépôt. Imaginons la scène : on aurait parlé de dictature, de prison politique, de suppression des opposants.
Alors qu'il s'agit de justice. Une justice administrée par un tribunal, qui a prononcé une condamnation sur la base de faits, et en vertu de lois. Ces lois votées par les députés dont Le Pen fait partie. Une partie des réactions vient bien moins de la condamnation elle-même que du fait que ceux qui réagissent s'aperçoivent que la loi qu'ils fabriquent eux-mêmes ne les protège pas assez. Finalement ils n'ont pas assez mesuré les conséquences de leurs actes, de leurs écrits. Ils ne se sont pas suffisamment protégés, ou pas suffisamment vite. La justice, bien qu'elle ait dû prendre son temps faute de moyens suffisant pour être diligente, parvient quand même à être plus rapide qu'eux.
Ils pourraient alors tomber du fait de leurs délits et de leurs crimes, de leur prétention et de leur absence d'humilité, de leur oubli de leur rôle de garant de l'intérêt général qu'ils ont remplacé par leur intérêt particulier. Et cette chute ne viendrait pas de quelques centaines de personnes qu'ils parviennent à manipuler, à endormir, à retourner, mais de l'action froide de la loi qu'ils ont construite. Effectivement, cela doit être troublant, pas normal vu de leur fenêtre.
Mais ça ne concerne qu'eux et personne d'autre. Ils ont oublié la probité, la transparence, l'abnégation au profit de leur pouvoir. Ce pouvoir a étouffé Le Pen. Gageons et espérons que d'autres suivront, pour le bien de la société française.